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Giovanni Bellucci
par Frédéric Gaussin
C’est une « première mondiale », en effet, mais je ne l’ai jamais envisagée comme un défi. Cet imposant projet est surtout pour moi la concrétisation discographique de ce à quoi je m’essaie déjà en concert : relire les 32 Sonates au travers des symphonies présentées dans leur « partition de piano » (suivant l’expression qu’emploie Liszt en personne). Les deux premières parutions de ce cycle sont consacrées aux symphonies en la majeur, en ut mineur, et à quatre sonates parmi lesquelles La Tempête, la Pathétique, la Clair de lune (dont les titres sont la plupart du temps apocryphes). Je compose mes programmes en associant des œuvres qui ne sont pas nécessairement liées par des affinités chronologiques, ce qui me permet de souligner les différences de style qui les opposent, de prouver une fois de plus l’autonomie comme la richesse d’inspiration de chacune – Beethoven ayant su métaboliser des éléments très disparates, provenant à la fois de sa propre expérience de la nature, de sa connaissance de C. P. E. Bach, des vocalises de Salieri, du langage polyphonique de Haendel, du théâtre musical de Mozart aussi bien que de la musique populaire. Je dresse donc un portrait du compositeur qui se voyait lui-même comme un Tondichter : un poète des sons.
Que regard portez-vous sur les transcriptions de Liszt, qui vont bien au-delà de la seule « adaptation » au clavier ?
La notation musicale, comme on le sait, ne permet pas la fixation d’une multitude de paramètres fondamentaux, comme la fluctuations de tempo, par exemple. Toute notation écrite est déjà, en elle-même, transcription d’une pensée musicale abstraite. Busoni le pensait. La précision dogmatique n’existe pas, en la matière. Que pensez, sinon, de ces œuvres que les compositeurs ont écrites puis réécrites à de nombreuses reprises ? En transférant son idée sur la portée, Beethoven réalise déjà une adaptation de son matériau au contexte d’écriture pianistique. Mais cette même idée impalpable qui est l’origine des Sonates et aussi celle qui est à l’origine des Symphonies (Beethoven se sert par exemple du fameux motif « du destin » aussi bien dans sa 5ème Symphonie que dans La Tempête ou l’Appassionata). Je m’amuse qu’on évoque toujours le passage, en musique, de l’orchestre au piano, mais jamais le trajet inverse, or dans les Sonates pour violoncelle certaines parties dévolues au violoncelle sont d’écriture typiquement pianistique. Dans les Concertos, Beethoven traite les éléments moteurs de la même façon, qu’il les distribue aux cordes ou au piano : ce sont là des idées, des concepts, qu’il manie. Si l’on pousse la logique busonienne à son maximum, on s’autorise ainsi à penser que l’opération qui consiste à assurer la matérialisation sonore d’une partition est en soi l’énième transcription d’une idée originelle ayant germé dans le cerveau du compositeur.
Que bénéfice retirez-vous, comme interprète, de la confrontation de ces deux immenses cycles beethovéniens ?
Se mesurer à la recréation pianistique des symphonies vues à travers les yeux, les oreilles, la culture et la sensibilité d’un créateur de génie comme le fut Liszt laisse nécessairement des traces, au niveau de l’interprétation des Sonates. Jouer les neuf symphonies, et non plus seulement les analyser ou les écouter permet de profiter pleinement, au piano, de la dimension verticale de l’orchestre, dont il doit rester quelque chose. Les Sonates prouvent dans leur succession le développement de l’instrument, l’extension du clavier, l’exploitation de plus en plus hardie des pédales, mais n’oublions pas que la 1ère Symphonie a été écrite après dix sonates pour piano. Cette mise en abîme des cycles pousse à dépasser une seule « lecture à la lettre » des œuvres, à percer davantage le processus générateur des œuvres du compositeur.
À lire également: interview de Giovanni Bellucci sur Pianobleu.com
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